Résumé des échanges lors de notre événement du 2 juillet à l’Hôtel de Ville de Lyon
Faciliter l’accès au bénévolat pour tous, c’est ouvrir le champ des possibles pour des publics avec des besoins spécifiques, qui ont la même envie d’aider que tout le monde ! Certaines associations peuvent avoir des a priori quant à la capacité des personnes que nous accompagnons à être des bénévoles “comme tout le monde”. Avec un handicap visible ou invisible, sans parler très bien français, en étant soit même fragilisé, est-on capable d’être bénévole et de s’intégrer dans le groupe des bénévoles déjà existant ?
Pourtant, une fois qu’elles se sont lancées dans l’aventure, ces mêmes associations constatent que l’inclusion apporte une véritable richesse sur beaucoup de points, et que c’est gagnant-gagnant.
Le bénévolat avec un handicap psychique : trouver sa place dans la société.
Mireille Malecot, cheffe de service du SAMSAH Ampère de l’ARHM, qui est un partenaire solide de notre programme handicap, témoigne de l’intérêt du bénévolat pour les personnes avec un handicap psychique ou avec un trouble du spectre autistique, que son service accompagne :
“On observe parmi les usagers qui font du bénévolat, un sentiment fort d’utilité – ça leur permet d’avoir une place de citoyen. Ça permet de travailler l’utilité sociale. Au sein du service, nous travaillons avec eux sur les habiletés sociales et nous constatons que le bénévolat contribue à les faire sortir de chez eux, à sociabiliser avec des personnes extérieures.”
Plusieurs bénévoles ont témoigné au cours de l’après-midi que le bénévolat a eu de nombreux effets bénéfiques, parfois transformateurs, sur eux.
“J’étais en situation de rupture, d’isolement très fort. Ça a été une manière moins brutale pour me réinsérer et c’était fondamental pour moi cette progression. Je n’avais même pas réalisé que j’étais tellement isolé. Ça a été un déclic, il y a eu un avant et un après”. ” L. , bénévole à la fondation Fourvière de Lyon, a aidé pour des tâches administratives comme le tri et l’archivage de documents.
“Ca m’apporte une meilleure estime de moi” C. , bénévole entre autres à la Banque Solidaire de l’Equipement et au centre PK21 pour des tâches administratives.
“Faire du bénévolat, me sentir utile m’a vraiment permis de reprendre confiance en moi et de renouer un peu avec le quotidien et la vie sociale.” M. , bénévole à La Cloche et à Solidarité Afrique pour trier des dons.
“Donner de son temps, se sentir exister au yeux des autres. C’est trouver une place dans la société”. – F. , bénévole à la Banque Alimentaire pour aider au tri des denrées.
Le bénévolat pour les jeunes en insertion: s’ouvrir à d’autres réalités.
Lazhar Saidani, directeur adjoint de la Mission Locale Plateau Nord Val de Saône, qui dispose d’une antenne à Rillieux-la-Pape où nous intervenons depuis 18 mois, explique pourquoi ce n’est pas antinomique de proposer du bénévolat à des jeunes qui sont, à priori, en recherche d’un emploi rémunéré.
“Nous accompagnons les jeunes vers l’emploi – mais pas que ! Le bénévolat est un sujet que nous prenons très au sérieux.”
“Nous avons constaté que nous proposions trop de parcours “assistant” – les jeunes voulaient un travail, nous leur proposions un travail, de l’intérim, mais beaucoup de jeunes revenaient car la mission n’avait pas marché.”
L’objectif de la Mission locale est d’autonomiser les jeunes et le bénévolat est une alternative précieuse pour faciliter leur engagement et leur autonomie ! “Pour rendre les jeunes autonomes, il faut les confronter à des réalités variées, leur permettre de créer du lien social. Le bénévolat est un bon outil pour cela, et un partenaire extérieur comme Adopte Une Asso, indispensable”.
Le bénévolat pour les personnes en insertion professionnelle: gagner en confiance en soi.
Ali Miraoui, coordinateur du pôle accompagnement de Unis vers l’Emploi, avec qui nous travaillons depuis 8 mois, rappelle la genèse de la collaboration :
“Il y a eu une première orientation, pour essayer, d’une bénéficiaire en grande situation d’isolement. Les professionnels ont été frappés en voyant la photo de la mission, la bénévole au milieu avec un sourire radieux, alors qu’on la voyait rarement sourire. On s’est dit : il y a quelque chose à faire avec Adopte Une Asso et le bénévolat”.
Aujourd’hui, les professionnels d’Unis vers l’Emploi proposent le bénévolat tout d’abord pour lever des freins et remobiliser les personnes : mauvaise estime de soi, repli, isolement, perte de liens, ne plus reconnaître ses capacités professionnelles, perte d’espoir. Mais le bénévolat peut aussi s’inscrire plus précisément dans un parcours de retour à l’emploi pour tester un projet professionnel.
Ali cite l’exemple de R., l’un des bénévoles accompagnés par AUA, qui s’est beaucoup engagé dans différentes missions d’ordre logistique, porter, trier, ranger… Ça lui a permis d’ouvrir son champ des possibles et ça a changé sa représentation de certains métiers et du travail en général. Il vient de signer un CDI en tant que collecteur de tri, ce qui est une belle réussite. Ainsi, le bénévolat peut réellement être un levier pour l’insertion professionnelle et lever les représentations que l’on peut avoir.
Un autre exemple avec F., qui a repris une formation en bureautique, a suivi des ateliers sur l’estime de soi, et utilise le bénévolat comme une dernière étape vers l’emploi. Elle est bénévole à la Banque Alimentaire sur une mission d’accueil et de tâches administratives et bureautiques. Le bénévolat est ainsi un outil qui permet la prise de confiance dans ses compétences, et constitue une expérience valorisable auprès d’un employeur.
Accueillir des bénévoles à besoins spécifiques: un défi qui en vaut la peine.
Du côté des associations accueillantes, c’est le même constat. Le bénévolat fait du bien, l’accueil inclusif de bénévoles aussi !
Marc Bourgeois, coordinateur de l’association La Légumerie et animateur du jardin l’Oasis de Gerland, explique pourquoi il a accepté d’accueillir des bénévoles à besoins spécifiques.
“Dès le départ, c’était notre projet, la mixité faisait partie du projet” Les objectifs de La Légumerie : cuisiner, jardiner, aller à la rencontre de l’autre. Selon lui, l’accueil des bénévoles « pas comme les autres » comme on dit, se fait sans souci car c’est dans l’ADN de l’association. “On veut encourager chacun et chacune à aller vers l’autre. Des personnes à qui on ne va pas forcément parler dans la rue. Mais c’est vrai que la diversité rend le dialogue parfois difficile.”
Marc nous raconte : “Il y a une personne avec un handicap qui vient souvent au jardin, ça demande de l’adaptation; la découverte du handicap aussi. Il est aveugle, au début nous avons pensé que ce serait compliqué de jardiner en étant aveugle ! En fait, je me suis aperçu qu’il pouvait vraiment tout faire : il faut juste l’aider à se déplacer dans le jardin. Il devient autonome dans le paysage. Malgré son handicap, il peut faire tout ce que tout le monde fait.”
En bref, Marc résume pour les associations qui souhaitent être plus inclusives : “Il faut tenter le défi, se lancer, innover.”
Et c’est un beau message que l’on partage chez Adopte une Asso !
Convaincre les autres bénévoles d’accueillir des profils différents, pas toujours facile !
Dominique Corompt, responsable des bénévoles au Foyer Notre-Dame des Sans-Abris (qui compte sur 1000 bénévoles en région lyonnaise quand même !) partage ces idées, mais reconnaît rencontrer quelques difficultés. Son association a accueilli un bon nombre de personnes de notre programme “migrants”, avec un niveau de français parfois moyen, des habitudes culturelles différentes des bénévoles habituels au Foyer (gestion du temps et des priorités différentes, conduisant parfois à des absences sans prévenir, par exemple).
“Avec le projet Adopte Une Asso, il a fallu repenser la façon dont on accueillait et dont on s’occupait des bénévoles, et notamment le processus de recrutement. Il y a 2 ans, le Foyer n’accueillait que des bénévoles majeurs en situation régulière, puis nous avons finalement décidé de revenir là-dessus. On prend maintenant les personnes sans-papiers, elles nous apportent autant !”
Dominique raconte les points d’appui dans cette démarche, et les obstacles. “Les travailleurs sociaux nous ont soutenus. C’était un gros chantier, ce changement ! Ça oblige parfois à repenser les missions, les rendre plus accessibles, on travaille plus l’accompagnement des nouveaux bénévoles.
Pour certains bénévoles qui sont là depuis longtemps, ça peut parfois être compliqué de changer ses habitudes. En revanche, les bénévoles sont toujours accueillis par une équipe de bénévoles (motivés pour ce projet) et encadrés.
Par contre, Dominique souligne que le bénévolat “en interne” ne marche pas, et chez Adopte Une Asso nous l’évitons absolument. Lorsque des bénéficiaires deviennent bénévoles au sein de la structure qui les héberge ou les accompagne, les rôles se mélangent et cela peut créer des difficultés.
Ce témoignage est une preuve que l’inclusion n’est pas évidente, qu’elle nécessite une adaptation, mais n’est pas impossible !
Former les anciens bénévoles à l’accueil de ces “nouveaux bénévoles” ?
Elodie, responsable de la Ressourcerie Créative, s’interroge sur la façon de former les bénévoles déjà actifs à l’accueil de bénévoles à besoins spécifiques. Pour Marc de La Légumerie, il est nécessaire d’expliquer, introduire, sensibiliser, formaliser les choses. Quant à Dominique, elle assure que 80% de ses bénévoles sont accueillants et qu’il y a toujours des salariés sur place pour prendre le relais si besoin… mais une formation des bénévoles à l’inclusion de bénévoles à besoins spécifiques, serait un vrai plus.
Bérengère témoigne qu’au sein d’Habitat et Humanisme, où cette démarche est favorisée, beaucoup de tutorat est mis en place pour ne pas laisser les personnes seules. Le tutorat permet au nouveau bénévole de connaître les processus et de bien s’intégrer.
De son côté, Rebecca explique que l’association La Cloche propose des formations obligatoires pour les bénévoles. Ainsi, c’est cadré dès le début. De plus, les personnes qui participent aux activités proposées peuvent elles aussi devenir bénévoles si ça leur plait, c’est vraiment ouvert à tous. “Même pour les personnes qui rencontrent des difficultés de langue, on va toujours avoir un salarié qui gère l’intégration.”
Donner à tout le monde la chance de pouvoir aider les autres.
En conclusion, Evie Rosset, psychologue spécialiste dans les comportements pro-sociaux (ou altruistes, tournés vers les autres), nous rappelle que “l’entraide, la solidarité fait partie de notre ADN, même si on ne le ressent pas toujours. Il est par contre nécessaire de donner des occasions, des opportunités concrètes, pour que la solidarité se concrétise. On a tous des corps qui ont besoin de bouger mais il faut avoir l’idée, l’occasion, le coup de pouce pour prendre l’habitude de se dépenser…”
Sa métaphore avec le sport a fini de nous convaincre de continuer à proposer à tous d’être bénévoles, même ceux à qui on ne pense pas, même à ceux qu’on voit comme des personnes qu’il faut d’abord aider. Tout le monde doit pouvoir participer à la société, à la solidarité !
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